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Natacha Kanzié est la fille unique de sa mère, Léonie ! Elle n’a pas eu la chance de vivre auprès de son père. Chaque jour qui passait, elle a vu sa mère jour et nuit se battre et se sacrifier pour elle afin de lui offrir une meilleure vie.
Alors, au fil des ans, Natacha a longuement réfléchi sur ce qu’elle pouvait faire pour épauler sa génitrice et ne plus dépendre d’elle. Bingo ! Elle se rappelle enfin des perles qu’elle a toujours aimées depuis son enfance. Ainsi, elle commence à tisser de petits bracelets qu’elle vendait à l’école entre 200 ou 250 francs CFA. Des faits qui remontent à 2011 alors qu’elle est en classe de 5e.
« Je suis fille unique et j’ai toujours été avec maman. J’ai vu comment ça allait, comment ça n’allait pas et le fait de tout le temps prendre de l’argent avec elle ça me gênait. Et à un certain moment, précisément à ma 5e, je me suis dit que je vais faire quelque chose de mes dix doigts pour ne pas entièrement dépendre d’elle », révèle-t-elle.
Avec un peu de créativité et de chance, ses bracelets s’achetaient plus facilement, car ses camarades les admiraient tellement. Un jour, au cours d’une conversation avec un de ses proches, celui-ci lui suggère de diversifier ses créations et surtout de l’ordinaire si elle souhaite réellement s’en sortir avec cette besogne. Natacha va ainsi se lancer dans la confection de colliers et de chainettes que les femmes surtout les jeunes filles enroulent autour des reins et des pieds communément appelés « Baya ».
Un pas ayant entrainé l’autre, l’amour de la chose prend place et s’impose. Très imaginaire et ingénieuse, ses colliers et ses chainettes font le tour de la capitale burkinabè et même au-delà . Elle a mis en place une boutique située à Cissin, un quartier de Ouagadougou où elle confectionne, expose et revend ses collections. Depuis la classe de 1ère jusqu’ici où elle a fini sa licence en communication, Natacha Kanzié prend en charge ses études grâce à cette activité.
La durée mise pour la confection d’un collier ou d’une chainette, dépend du modèle demandé par la cliente, explique la promotrice de Lena Perles. « Il y a des modèles que je fais en 5 minutes si c’est assez simple. Par contre, il y a d’autres qui peuvent durer une heure voire toute une journée, tout dépend de la commande », appuie-t-elle.
Pour écouler sa production, elle dit avoir un cercle d’amis sur les réseaux sociaux qui, en plus d’acheter pour elles-mêmes l’aident aussi à partager avec leurs amis et connaissances. Elle signale que ses articles sont plus vendus sur les réseaux sociaux qu’à la boutique. « C’est à travers les réseaux sociaux que j’arrive facilement à vendre, ma boutique n’est pas vraiment bien placée, je suis dans un six mètres, c’est surtout mon cercle (d’amis ndlr) qui paye plus », dit-elle.
Comme ce sont des articles féminins, vous comprenez immédiatement que la clientèle de Natacha Kanzié est essentiellement constituée de femmes. « Mes clientes ce sont toutes celles qui sont amoureuses des accessoires en perles plus précisément des bayas. Qui aiment vraiment orner leurs bras, leurs hanches, leurs pieds avec tout ce qui est fait avec des perles », soutient-elle.
Natacha a su apporter une touche particulière à ses collections grâce à de petites pierres artificielles très rares sur le marché mais très convoitées par les femmes, avec lesquelles elle crée des modèles.
Contrairement à des supputations qu’on entend dire dans nos communautés que les bayas sont souvent des objets sataniques qui font appel à des génies ou des maris de nuit, Natacha dit en avoir eu écho mais pour elle ce sont des « on-dit ».
« J’ai entendu dire que ça appelle des génies. Que si vous les portez, vous serez possédées et d’autres disent que vous pouvez attirer un homme à travers ça. Au temps de nos grands-parents, les grands-mères portaient ça (le baya, ndlr) pour soutenir le pagne afin que ça ne tombe pas.
Il permet (baya, ndlr) de savoir qu’on a pris du poids ou on en a perdu. Et à la longue, on a vu que c’était joli, on a essayé d’ajouter un petit truc pour embellir et au fur et à mesure, les femmes ont compris que les hommes aimaient les petites choses comme ça », défend-elle.
La plupart des premières matières que Natacha utilise viennent du Nigéria et du Ghana. Ce qui constitue d’ailleurs une des difficultés majeures qu’elle rencontre. Il y a également la rareté de ces matières. Cela lui fait perdre certains marchés parce qu’il arrive qu’elle n’honore pas certaines commandes.
« Pour commander, il faut verser 50% de la somme avant que je ne commence la confection. Au début, il y a des gens qui commandaient peut-être une dizaine, et vous prenez votre argent, vous investissez, vous achetez tout le nécessaire et vous confectionnez.Â
À la fin lorsque vous appelez, c’est à peine si on vous décroche. Donc ce que je fais maintenant, je prends 50% de la somme, avant de confectionner et déposer. En ce moment je sais que même si c’est l’année prochaine la cliente viendra récupérer et je ne perds pas », confie-t-elle.
Natacha Kanzié avoue qu’elle s’en sort bien grâce à ce métier. « Il y a des jours quand Dieu fait grâce je peux retourner chez moi avec 40 000 ou 50 000 FCFA, on ne se plaint pas », admet-elle. Toutefois pour le moment elle travaille seule dans sa boutique mais elle espère prendre quelqu’un qui pourrait pour l’assister à exécuter certaines tâches.
Natacha Kanzié a plusieurs casquettes. Elle a été basketteuse professionnelle. En 2016, elle intègre l’équipe nationale burkinabè féminine de basket. Mais dommage qu’elle n’ira pas loin dans cette aventure. Une blessure au genou met fin à sa carrière.
Après elle décide de se lancer dans la mode. Du haut de ses 1,83 centimètres et de son beau physique, un artiste lui propose de s’essayer en mannequinat. Une idée qui lui plait bien et elle s’y engage. Dès son premier casting, elle est retenue. Cette aventure ne prospérera pas malheureusement. Toutefois, elle continue à participer dans des tournages de clips.
« Il m’arrivait de laisser l’école, d’aller faire mes défilés de revenir terminer ma commande. Il y a des fois aussi que je laisse passer, je fais mes défilés et je vais à l’école. Je peux dire qu’au Burkina franchement la mode ne nourrit pas son homme. On vient dans le milieu parce qu’on aime, on est passionné sinon, si c’est pour l’argent qu’on vient dans la mode, les défilés de 20000, 25000 qu’on a chaque deux mois ça ne nourrit pas son homme. C’est la raison pour laquelle, je me suis tournée vers mon activité actuelle », atteste-elle.
Elfride Tougma, est une cliente de Natacha, elle dit avoir découvert ses produits sur TikTok et depuis elle est restée fidèle. « Elle a des perles exceptionnelles, qu’on ne trouve pas partout à Ouagadougou. Depuis que j’ai commencé à payer des bayas, c’est la première personne que je trouve qui a des modèles exceptionnels, elle fait ce qui lui vient seulement en tête et quand vous prenez c’est de très jolies réalisations », vante-elle.
Par contre, elle lui reproche le fait qu’elle ne puisse pas profiter des réseaux sociaux pour se faire connaitre davantage. Natacha reste pour elle un modèle, une source d’inspiration, elle prie pour la prospérité de son entreprise.
Quant à Aïna Traoré (nom d’emprunt), une autre cliente de Natacha et une grande amoureuse de ses chainettes, elle affirme que celles-ci plaisent à son époux. Par ailleurs, elle nous confie que certaines de ses camarades mariées lui ont fait savoir qu’il y a des bayas qui permettent de maintenir l’équilibre dans le foyer et surtout d’attirer son homme vers elle.
Aux jeunes filles qui se lancent dans l’entrepreneuriat mais qui, par moment suite aux difficultés souhaitent abandonner, elle les encourage à tenir bon et à ne pas lâcher. « Tous les jours ne sont pas roses. Il y a des jours où vous vous demandez qui vous a envoyé dedans, mais tant que vous aimez ce que vous faites, je pense que ça va aller, il faut savoir avancer et se battre pour que ça aille », dit-elle.
Comme projet dans le futur, Natacha Kanzié souhaite voir grandir sa boutique et ouvrir un atelier de formation en tissage des colliers.