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Je reviens comme annoncé dans ma précédente tribune « Le ‘Tout Militaire’ une stratégie de lutte contre le Djihadisme à questionner » sur les fondements de mon approche de Dialogue qui considère que seul le génie politique de nos communautés villageoises en matière de gestion et de résolution des conflits est à même de relever le défi du dialogue pour une paix fondatrice.
Les paysans représentent près de 80% de la population du Burkina. Si l’on considère ceux des leurs qui sont contraints de migrer vers les villes et qui y vivent de petits métiers informels comme on dit, alors il faut admettre que le monde paysan fait le Burkina Faso.
Alors pourquoi, leur Vision du monde, leurs Modèles d’organisation du Politique, de l’Economie, de l’Education, de la Solidarité, de l’Accueil et de l’Hospitalité sont-ils si ignorés sinon méprisés ? Au point que pour l’essentiel, les lois et règlements de l’Etat, les mettent hors-la-loi en prenant pour cible leurs traditions ancestrales et mode de vie auxquels ils tiennent comme la prunelle de leurs yeux. Ainsi, la majorité des populations burkinabè vivant dans les villages et ceux des leurs qui vivent en ville continuent à les observer très largement à l’occasion de l’essentiel de leur vie culturelle, institutionnelle, sociale et économique.
C’est que le modèle de l’Etat actuel est au fond celui que le Colon a mis en place afin de civiliser comme il disait l’Africain et qu’il a légué à ceux qu’il a initié au « Toubabouya » et que de nos jours son modèle d’éducation par l’école reproduit afin de faire vivre à ceux qui nous gouvernent et particulièrement à l’élite urbaine et à notre jeunesse de l’illusion que nous, africains, pourrions rêver de Toubabouya.
J’utilise à dessein cette caractérisation de la civilisation occidentale en dioula qui a son équivalent dans toutes nos langues ; cela pour faire voir que nos communautés villageoises ont leur propre regard sur la dynamique civilisationnelle portée par la colonisation et maintenant par l’Etat-Nation post colonial ; cela pour mieux souligner les raisons et les modalités de son opposition résolue à elle.
Le monde du Toubabouya dit que l’homme pour être heureux, vivre d’abondance et de liberté doit se faire maître et possesseur de la nature ; cela est sans doute contre nature car l’homme est lui-même un produit de la nature qui lui a préexisté et cela depuis la nuit des temps et qui lui survivra sans aucun doute.
Voilà pourquoi, l’homme noir (l’homo sapiens) qui a été le premier homme sur cette terre, qui a inventé la sagesse, dit que la société doit s’efforcer de faire en sorte que notre vie en tant qu’homme soit en harmonie avec ce qui a existé avant lui, existe sans sa volonté et nous rendra digne de la vie éternelle dans l’au-delà grâce à la bénédiction de nos ancêtres que nous vénérons et implorons de diverses manières.
Il a pour cela à travers ses diverses cosmogonies construit un principe essentiel de régulation des sociétés humaines dont notre compatriote l’Egyptologue Somet Yoporeka en donne une formulation synthétique dans son ouvrage « L’Égypte ancienne un système africain du monde » : faire tenir ensemble la conception de l’univers, de la vie en société et de la vie dans l’au-delà .
La vie s’est chargé de donner large crédit à ce principe et de mettre en évidence l’impossibilité du mouvement contre-nature du monde du Toubabouya dans lequel il souhaite entrainer le monde afin d’assurer l’abondance et la liberté pour moins de 5% de la population mondiale.
En effet pour cela, il faut toujours perfectionner les moyens et l’art de faire la guerre et donc toujours faire la guerre ; il faut toujours perfectionner les moyens et l’art de faire l’abondance en pillant et gaspillant les richesses du monde ; il faut toujours perfectionner les moyens et l’art de la liberté en faisant en sorte que l’on ne puisse plus distinguer un homme d’une femme, qu’un homme puisse épouser un autre homme, en faisant qu’une femme puisse épouser une autre femme et que de tels couples, somme toute normaux selon le monde du Toubabouya, puissent avoir des enfants ; comment ?
Viendra peut-être le temps où le monde du Toubabouya pourra industrialiser et encadrer en toute légalité et humanité la fabrication des enfants et en assurer la vente dans des super et hyper marchés singuliers en tenant compte du goût de chacun.
Il faut en convenir, le devenir Toubabouya du monde si on ne l’endigue pas de manière déterminée et efficace, conduira à la destruction de la Terre, à une dépravation innommable de l’humain et à l’extinction de l’humanité.
Comme chacun le sait depuis 2015, le Burkina comme d’autres pays voisins et frères, vit une insécurité portée par des mouvements Djihadistes qui disent-ils, veulent par le Djihad des armes extirper le Toubabouya de nos vies.
Ainsi, dans nombre de zones sous leur contrôle, après avoir œuvré au départ des services de l’État, les mouvements djihadistes ont engagé des modalités de gouvernement indirect des populations sur des thématiques diverses : gestion du foncier rural, agriculture, élevage, pêche, chasse, exploitation minière, commerce, justice, impôts (Zakat), pratiques religieuses, levée de troupes, police, etc.
Sur l’ensemble de ces thématiques, il ne faut pas se voiler la face, l’État que nous a légué le monde du Toubabouya après la colonisation n’est pas à la hauteur de nos espérances.
Assurément, le lot quotidien des populations notamment en milieu rural c’est l’injustice institutionnalisée contre les valeurs traditionnelles, la violence de l’Etat pour faire régner ses lois et appliquer ses politiques publiques et les conflits en résultant notamment autour de la gestion des ressources naturelles, la corruption des élites urbaines occidentalisées, des aristocraties traditionnelles et religieuses, le risque réel pour la jeunesse de sombrer dans les dérives sociétales portées par le monde du Toubabouya, etc.
Résultat : le bon sens paysan et sa résilience légendaire ont cédé la place aux insurrections villageoises contre l’État avec leurs nombreux insurgés paysans dont la détermination est sans équivoque face à des armées de métier et leurs soldats accomplissant leur devoir. Dans cette lutte féroce tout a été convoqué : crimes de masses, exécutions extrajudiciaires et sommaires sur fond de conflits communautaires et de stigmatisation attisés à souhait, déplacements massifs de populations, blocus alimentaire et isolement de nombre de villes, instrumentalisation du grand banditisme dans toutes ses facettes.
Chacun des camps dont chacun de nous est partie à un titre ou à un autre, compte ses morts, endure des souffrances innommables et sans doute se pose aussi la question à quand la fin ?
Il faut donc convenir qu’il est impossible par le Djihad des armes d’extirper le Toubabouya de nos vies et de Refonder notre vivre-ensemble, tout comme il est impossible à l’Etat d’endiguer, par la seule action militaire cette insécurité dans nos contrées.
En considérant la profondeur historique de nos sociétés villageoises, une constante s’impose : l’insécurité a toujours été leur vécu constant et contre laquelle elles ont développé grâce à leur génie politique, une extraordinaire résilience et une capacité de digestion de l’adversité, culturelle, politique, économique et sociale.
A grand trait on pourrait ainsi indiquer : au sortir de la décadence de l’Egypte pharaonique noire et des grandes migrations de repeuplement de l’Afrique subsaharienne qui ont suivi et mises en lumière par Cheikh Anta Diop, ce fut le retour à l’organisation clanique puis la construction de sociétés lignagères, de sociétés villageoises, des Etats, des Royaumes et Empires. Tout cela sous la modalité des guerres de lignages et de razzia, de guerres d’Etat et de guerres entre Etats ; l’esclave domestique, transsaharien et transatlantique, l’imposition de paiement de tributs sous diverses modalités en sont des marques indélébiles.
Puis vint la colonisation avec son lot d’impôts (de capitation) à payer, de cultures rente obligatoires, de travaux forcés et de mobilisations contraintes de combattants pour les deux guerres mondiales et les guerres coloniales en Algérie et en Indochine pour l’Afrique dite francophone. Les sociétés villageoises ont payé le prix fort avec la complicité active bien souvent des aristocraties traditionnelles et religieuses.
L’adversité culturelle, politique, économique et sociale à laquelle font face aujourd’hui nos sociétés villageoises contemporaines tant de la part des mouvements djihadistes que de l’Etat-Nation postcolonial n’est en somme pas nouvelle pour elles.
Leurs stratégies pour y faire face et poursuivre leur dynamique anthropologique et sociale ont été éprouvées au travers des épreuves passées ; elles font preuve encore aujourd’hui d’une grande efficacité. Elles permettent pour l’essentiel à nos sociétés villageoises contemporaines de préserver la sécurité physique des communautés villageoises, leur dynamique culturelle et sociale ainsi que leur mode de production (lignager pour l’essentiel).
C’est à cette ingénierie politique qu’il nous faut redonner notre confiance et une chance pour engager le dialogue tout particulièrement avec les mouvements djihadistes affilés au JNIM dont les motivations idéologiques et politiques sont évidentes.
En effet, il ne fait aucun doute que toutes les catégories du Politique du monde du Toubabouya comme la République, l’Etat- Nation avec ses frontières, son administration et son crédo uniformisant et d’unité, la Laïcité à la française, la Démocratie représentative, l’Etat de droit et les Droits Humains sont totalement inaudibles pour nos sociétés villageoises ; elles ne constituent pas pour elles des lignes rouges de discussion comme aiment à le proclamer nos élites gouvernantes et leurs clientes urbaines qui considèrent la civilisation occidentale comme la fin de l’Histoire.
Ces dernières oublient qu’elles représentent moins de 3% de la population et que le Burkina ne se réduit à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso où ‘’ on boit tranquillement sa bière ‘’ comme l’a dit un ancien Premier Ministre de notre cher République !
Pour tous ceux qui veulent observer et réfléchir, une réalité s’impose :  nos sociétés villageoises contemporaines sont multinationales (ethnies, lignages, clans, tribus) et organisent leur vivre-ensemble sur la base de leurs propres règles et institutions, à l’écart du système politique et institutionnel officiels : on y naît, on y vit, on y quitte le monde de manière endogène pour tout dire, en dépit des emprunts et d’un certain syncrétisme religieux.
Les conflits n’y manquent pas et les morts d’hommes ne sont pas rares ; leur acuité tient bien souvent à leur instrumentalisation politique et affairiste par des agents de l’administration, aux politiques publiques en matière foncière, forestière, minière, de développement agricole et pastorale, aux politiques de décentralisation bureaucratique affairiste et corrompue.
On observera tout autant, l’existence de mécanismes endogènes efficaces de gestion et de résolution des conflits ainsi qu’une grande capacité d’accueil et d’intégration de nouveaux arrivants et de nouvelles croyances.
Je postule ainsi que sur la foi de leur vision du monde et dans la recherche de la sécurité physique, culturelle et sociale des communautés villageoises, nos sociétés villageoises contemporaines sont armées au plan culturel, politique et institutionnel, social et économique pour dialoguer avec les mouvements djihadistes tout particulièrement avec ceux affiliés au JNIM pour une refondation de notre vivre-ensemble et une paix durable.
A cet égard, un Dialogue sans tabou pourrait s’organiser autour des composantes suivantes :
- La rénovation endogène de la gestion coutumière de la terre afin de renforcer l’économie familiale et villageoise.
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- La reconquête et/ou le renforcement du respect mutuel entre communautés et croyances.
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- L’identification et de la gestion des besoins de mutation : éducation de la jeunesse, statuts sociaux discriminatoires (les mal nés comme on dit), le renforcement de la santé, de l’accès à l’eau et à l’énergie, les relations inter villageoises.
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- La mise en œuvre de commissions villageoises « Vérité-Réconciliation » afin de panser les blessures profondes, de réinventer de « nouvelles alliances de lait » sur la base des traditions villageoises.
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Une condition essentielle pour engager un tel Dialogue est sans doute d’obtenir un CESSEZ-LE-FEU entre le JNIM et l’Etat burkinabè sous la demande et l’engagement pacifique et déterminée d’une majorité politique significative de burkinabè vivant en milieu rural et de PDI afin de donner l’initiative de dialogue aux sociétés villageoises.
Le mouvement « Deux Millions de signatures en faveur du Dialogue » est à pied d’œuvre comme déjà indiqué pour l’organisation d’une campagne de collecte de signatures dont le lancement interviendra courant premier trimestre 2023.
Dans cette attente, continuons à suivre et à partager l’évolution de ce chantier politique inédit grâce au lien : https://chng.it/RGWtrr6C5F
Comme disait Joseph Ki-Zerbo, Na an laara an saara !